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La justice divine est un pilier essentiel de la foi musulmane. Elle est au cœur de notre relation avec Allah, le Tout-Puissant, et guide nos actions dans ce monde.
Mais qu’entend-on exactement par justice divine ?
Comment les différentes écoles de pensée théologique islamique l’interprètent-elles ?
Et surtout, comment cette notion influence-t-elle notre vie quotidienne ?
Dans cet article, nous explorerons en profondeur le concept de justice divine dans la théologie islamique.
1 Les Fondements Coraniques de la Justice Divine
Au cœur de l’Islam, la justice divine est bien plus qu’un simple concept, c’est une réalité tangible qui imprègne chaque aspect de notre existence.
Le Coran, notre livre sacré, en est le témoin le plus éloquent.
Des versets comme « Allah commande l’équité, la bienfaisance et l’assistance aux proches. Il interdit la turpitude, l’acte répréhensible et la transgression. Il vous exhorte afin que vous vous souveniez » (Coran, 16:90) résonnent comme un appel à la droiture et à l’équilibre.
La notion de « mizan » (balance) est une autre illustration puissante de la justice divine.
Imaginez une balance parfaitement équilibrée, où chaque action, bonne ou mauvaise, est pesée avec précision.
C’est ainsi qu’Allah évalue nos actes, sans la moindre injustice.
Le Coran nous dit :
« Celui qui vient avec le bien aura dix fois autant; et celui qui vient avec le mal ne sera rétribué que par son équivalent. Et on ne leur fera aucune injustice » (Coran, 6:160).
La justice divine n’est pas seulement un attribut d’Allah, c’est Son essence même.
Il est Al-‘Adl, le Juste, et Sa justice est absolue et parfaite.
Il ne favorise personne, ne lèse personne, et chaque âme sera rétribuée selon ses œuvres.
Le Coran et la justice sociale
La justice divine ne se limite pas à la sphère individuelle.
Elle s’étend à l’ensemble de la société, appelant à l’équité, à la solidarité et au respect des droits de chacun.
Le Coran nous exhorte à défendre les opprimés, à lutter contre l’injustice et à établir une société où règnent l’harmonie et la paix.
La justice divine et le Jour du Jugement
La croyance en la justice divine est intimement liée à la foi en la vie après la mort et au Jour du Jugement.
Ce jour-là, chaque être humain sera jugé selon ses actions, et nul ne sera lésé.
Cette perspective nous incite à vivre une vie vertueuse, guidée par la crainte d’Allah et l’espoir en Sa miséricorde.
2 Que disent les Différentes Écoles de Pensée Théologique ?
La question de la justice divine a suscité de vifs débats au sein de la communauté musulmane, donnant naissance à différentes écoles de pensée théologique.
Chacune d’entre elles apporte un éclairage unique sur cette notion complexe et fondamentale.
Hanafisme
Fondée par Abou Hanifa, cette école insiste sur l’utilisation de la raison et de l’opinion (ra’y) en plus des textes sacrés.
Concernant la justice divine, les Hanafites soutiennent qu’Allah est intrinsèquement juste et que sa justice transcende la compréhension humaine.
Ils croient que Dieu ne commet jamais d’injustice et que les actions divines sont toujours justes, même si la logique derrière ces actions peut ne pas être évidente pour les humains.
Malikisme
Fondée par Malik ibn Anas, cette école met l’accent sur les pratiques médinoises comme source de la Sunna et se fie fortement aux hadiths.
Pour les Malikites, la justice divine est manifestée par le respect strict des commandements d’Allah tels que transmis par la tradition prophétique.
Ils croient que tout ce qui arrive est le résultat de la volonté divine et que remettre en question cette volonté équivaut à remettre en question la justice de Dieu.
Shafi’isme
Fondée par Al-Shafi’i, cette école souligne l’importance des hadiths pour interpréter le Coran.
Les Shafi’ites considèrent que la justice divine est un principe fondamental qui gouverne l’univers; tout ce qu’Allah ordonne est juste par définition.
Ils rejettent l’idée que les humains puissent appliquer leur propre sens de la justice aux actions divines.
Hanbalisme
Fondée par Ahmad ibn Hanbal, cette école est connue pour son littéralisme et son strict respect des textes.
Les Hanbalites maintiennent une croyance forte dans la prédestination (qadar), voyant toutes les occurrences comme des manifestations de la justice divine.
Pour eux, même les épreuves et les souffrances sont considérées comme des tests de foi et des moyens par lesquels Dieu établit sa justice.
Les Mu’tazilites
Il s’agit d’une école théologique rationaliste qui a prospéré entre le 8ème et le 10ème siècle.
Les Mu’tazilites, souvent appelés les « rationalistes » de l’Islam, ont placé la justice divine au cœur de leur système de croyance.
Pour eux, Allah est intrinsèquement juste et bon, et Ses actions sont toujours guidées par la sagesse et la raison.
Ils affirment avec force le libre arbitre humain, considérant que l’homme est responsable de ses actes et mérite d’être récompensé ou puni en conséquence.
Cette conception de la justice divine est profondément liée à la notion de responsabilité morale.
Si Allah est juste, alors Il ne peut punir ou récompenser l’homme que pour des actes qu’il a librement choisis.
Les Ash’arites
Fondée par Al-Ash’ari, cette école théologique est une réponse aux Mu’tazilites et est devenue l’une des deux principales écoles de théologie sunnite.
Les Ash’arites, quant à eux, mettent l’accent sur l’omnipotence divine et la prédestination.
Pour eux, tout ce qui arrive dans l’univers est décrété par Allah, y compris les actions humaines.
Ils soutiennent que la justice divine ne peut être comprise selon les critères humains, car Allah est au-dessus de toute contrainte et Sa volonté est absolue.
Cette conception de la justice divine peut sembler difficile à concilier avec le libre arbitre humain.
Les Ash’arites répondent que la justice d’Allah est parfaite, même si elle dépasse notre compréhension limitée.
Ils soulignent que la prédestination ne signifie pas que l’homme est dépourvu de volonté, mais que sa volonté est ultimement soumise à celle d’Allah.
L’École Théologique Chiite
Les Chiites ont leurs propres écoles théologiques qui diffèrent des Sunnites, avec des croyances distinctes concernant l’imamat (le leadership spirituel et politique) et la justice divine.
L’école théologique chiite propose une approche nuancée, cherchant à concilier la justice divine avec l’unité et l’omnipotence d’Allah.
Elle rejette à la fois le déterminisme absolu des Ash’arites et le libre arbitre sans limites des Mu’tazilites.
Les chiites introduisent le concept de « amr bayn al-amrayn » (un acte entre deux actes), qui suggère que les actions humaines ne sont ni totalement libres ni totalement déterminées.
Elles résultent d’une interaction entre la volonté humaine et la volonté divine.
Cette approche permet de préserver à la fois la responsabilité morale de l’homme et la souveraineté d’Allah.
De plus, l’école chiite accorde une importance particulière à la notion d’imamat, la guidance divine à travers les descendants du Prophète Muhammad (saw).
Les imams sont considérés comme des exemples parfaits de justice et d’équité, et leur enseignement éclaire la compréhension de la justice divine dans le contexte chiite.
Les Maturidites
Fondée par Abu Mansur al-Maturidi, cette école théologique sunnite est souvent comparée à celle des Ash’arites mais diffère sur certains points de doctrine.
Les Maturidites, une école sunnite moins connue que les Ash’arites, ont cherché à établir un équilibre entre la raison et la révélation.
Ils reconnaissent l’importance de la raison humaine pour comprendre la justice divine, mais insistent sur le fait que la révélation divine est la source ultime de connaissance.
Pour les Maturidites, la justice divine est un attribut essentiel d’Allah, mais elle ne peut être pleinement comprise par la seule raison.
La révélation, à travers le Coran et la Sunna, nous éclaire sur la nature de la justice divine et nous guide dans nos actions.
Les Traditionalistes (Ahl al-Hadith)
Ce mouvement met un fort accent sur les hadiths (les traditions du Prophète Muhammad) comme source principale de la loi islamique et de la théologie, souvent au détriment de l’usage extensif de la raison.
Les Traditionalistes, ou Ahl al-Hadith, accordent une importance primordiale aux textes sacrés, le Coran et les hadiths, pour comprendre la justice divine.
Ils considèrent que ces textes fournissent des preuves suffisantes de la justice d’Allah et qu’il n’est pas nécessaire de recourir à des spéculations philosophiques.
Pour les Traditionalistes, la justice divine se manifeste dans les lois et les prescriptions révélées par Allah.
En suivant scrupuleusement ces lois, les musulmans se conforment à la volonté divine et contribuent à l’établissement de la justice dans le monde.
Les Soufis
Le soufisme est une dimension mystique et ascétique de l’islam qui met l’accent sur la spiritualité intérieure et la recherche de la proximité divine.
Les Soufis, adeptes de la voie mystique de l’Islam, ont une approche plus spirituelle de la justice divine.
Pour eux, la justice d’Allah se manifeste non seulement dans la rétribution des actes, mais aussi dans Sa miséricorde infinie et Son amour pour Ses créatures.
Les Soufis considèrent que la justice divine est indissociable de la compassion et de la bienveillance.
Ils cherchent à atteindre la proximité d’Allah par l’amour et la dévotion, et voient dans la justice divine une expression de l’amour divin qui englobe toutes les créatures.
3 La Justice Divine et la Jurisprudence Islamique
La justice divine n’est pas un concept abstrait, elle est le fondement même de la loi islamique, la charia.
Chaque règle, chaque prescription, chaque interdiction est imprégnée de cette notion d’équité et d’équilibre.
Le Coran nous rappelle sans cesse que la justice est la pierre angulaire de toute société qui aspire à la paix et à l’harmonie.
Le rôle de la justice dans l’élaboration des lois islamiques
L’élaboration des lois islamiques est un processus rigoureux et méticuleux, où la justice divine joue un rôle central.
Les savants musulmans, les juristes et les théologiens puisent dans les sources primaires de l’Islam, le Coran et la Sunna, pour déduire les règles qui régiront la vie des croyants.
Chaque décision juridique est prise en tenant compte de l’équité, de l’intérêt public (maslaha) et des principes fondamentaux de l’Islam.
La justice divine est le guide ultime, garantissant que les lois sont conformes à la volonté d’Allah et protègent les droits de tous les individus.
Les principes de l’équité et de l’intérêt public (maslaha)
L’équité et l’intérêt public sont deux principes clés qui découlent de la justice divine et qui guident l’élaboration des lois islamiques.
L’équité exige que chaque individu soit traité avec justice, sans discrimination ni favoritisme.
L’intérêt public, quant à lui, implique que les lois doivent viser le bien-être de la communauté dans son ensemble.
Ces principes sont essentiels pour garantir que les lois islamiques sont justes et bénéfiques pour tous, qu’il s’agisse de questions familiales, économiques, sociales ou politiques.
Ils permettent également d’adapter les lois aux circonstances changeantes, tout en préservant leur essence et leur conformité à la volonté divine.
Les différentes sources du droit islamique
Le droit islamique puise dans quatre sources principales :
- Le Coran : La parole divine, la source première et infaillible de la loi islamique.
- La Sunna : Les paroles, les actions et les approbations du Prophète Muhammad (paix et bénédictions sur lui), qui constituent un modèle exemplaire pour les musulmans.
- L’Ijma’ (consensus) : L’accord unanime des savants musulmans sur une question juridique, considéré comme une preuve de la volonté divine.
- Le Qiyas (raisonnement par analogie) : L’utilisation de la logique et du raisonnement pour déduire des règles juridiques à partir de principes établis.
Ces sources sont utilisées de manière complémentaire pour élaborer des lois justes et adaptées aux besoins de la communauté musulmane.
La justice dans la jurisprudence sunnite
Dans la jurisprudence sunnite, les quatre écoles principales (Hanafi, Maliki, Shafi’i et Hanbali) accordent une grande importance à la justice divine.
Elles s’efforcent d’appliquer les principes coraniques et prophétiques dans l’élaboration des lois, en tenant compte de l’équité, de l’intérêt public et des circonstances spécifiques.
La justice dans la jurisprudence chiite
La jurisprudence chiite partage les mêmes fondements que la jurisprudence sunnite, mais elle accorde une importance particulière à la notion d’imamat.
Les imams, descendants du Prophète Muhammad (saw), sont considérés comme des guides infaillibles et leurs enseignements sont une source essentielle de droit pour les chiites.
La justice divine est au cœur de la jurisprudence chiite, qui met l’accent sur l’équité, la protection des droits des individus et la promotion du bien-être de la communauté.
4 La Justice Divine dans la Vie Quotidienne du Musulman
La justice divine n’est pas seulement un principe théorique, elle est une réalité à vivre au quotidien.
En tant que musulmans, nous sommes appelés à incarner cette justice dans nos relations avec les autres, dans nos familles, dans notre travail et dans toutes les sphères de notre vie.
L’importance de la justice dans les relations interpersonnelles
Le Prophète Muhammad (paix et bénédictions sur lui) a dit :
« Le croyant est un miroir pour le croyant » (Abu Dawud).
Cette parole nous rappelle que nous sommes responsables les uns des autres, et que nous devons traiter nos frères et sœurs en Islam avec justice et bienveillance.
La justice dans les relations interpersonnelles implique l’honnêteté, la sincérité, le respect, la compassion et l’équité.
Elle nous interdit de mentir, de calomnier, de tromper ou de nuire à autrui.
Elle nous encourage à pardonner, à aider les autres et à résoudre les conflits de manière pacifique.
La justice comme valeur fondamentale dans la société musulmane
La justice est une valeur fondamentale dans la société musulmane.
Elle est le ciment qui unit les individus et garantit la cohésion sociale.
Une société juste est une société où chacun se sent respecté, protégé et valorisé, où les droits de tous sont garantis et où les responsabilités sont partagées équitablement.
Le Coran nous exhorte à établir la justice dans la société :
« Ô vous qui croyez ! Soyez fermes en justice, en témoins d’Allah, même contre vous-mêmes, vos parents ou vos proches parents, qu’il s’agisse d’un riche ou d’un pauvre, car Allah a priorité sur eux deux. Ne suivez donc pas les passions, afin de ne pas dévier de la justice. Si vous déformez (la vérité) ou si vous vous détournez, alors Allah est Parfaitement Connaisseur de ce que vous faites » (Coran, 4:135).
Le rôle du croyant dans la promotion de la justice
Chaque musulman a un rôle à jouer dans la promotion de la justice.
Nous sommes appelés à être des modèles de droiture et d’équité, à défendre les opprimés, à dénoncer l’injustice et à œuvrer pour l’établissement d’une société plus juste et plus équitable.
Le Prophète Muhammad (paix et bénédictions sur lui) a dit : «
Quiconque d’entre vous voit un mal, qu’il le change de sa main; s’il ne le peut pas, alors de sa langue; et s’il ne le peut pas, alors de son cœur, et c’est là le plus faible degré de la foi » (Muslim).
L’injonction coranique à être juste envers tous
Le Coran nous ordonne d’être justes envers tous, sans distinction de race, de religion, de sexe ou de statut social.
Allah dit :
« Ô vous qui croyez ! Soyez stricts (dans vos devoirs) envers Allah et (soyez) des témoins équitables. Et que la haine pour un peuple ne vous incite pas à être injustes. Pratiquez l’équité : cela est plus proche de la piété. Et craignez Allah. Car Allah est certes Parfaitement Connaisseur de ce que vous faites » (Coran, 5:8).
Le Prophète Muhammad comme modèle de justice
Le Prophète Muhammad (paix et bénédictions sur lui) était un modèle de justice et d’équité.
Il traitait tous les individus avec respect et compassion, et il n’hésitait pas à défendre les droits des plus faibles.
Son exemple nous inspire et nous guide dans notre quête de justice.